ISBN 978-2-918156-07-9, 11 x 17 cm, 150 p., 11 euros
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Dans chacune de ces pièces, nous voyons des hommes emplis de belles et grandes idées sur l’amour, les relations sociales et le bonheur de l’humanité, chercher à les mettre en pratique et se heurter aux conventions sociales, aux opinions divergentes et à leurs propres contradictions. Cela aurait pu donner lieu à des drames, des tragédies. Mais l’auteur préfère s’en amuser, et nous en amuser avec lui. La dérision est souvent le meilleur remède contre le désabusement, le seul antidote efficace contre le désespoir.
Aussi Roorda prend-il le parti d’en rire, et de nous réjouir du ridicule de ses personnages. Mais son regard moqueur est bien loin du cynisme et de la moralisation. Son rire est toujours tendre et bienveillant, car il sait qu’il n’est lui-même pas meilleur que ces hommes et ces femmes qu’il met en scène. Leur naïveté est finalement la nôtre, et quand nous rions d’eux nous rions de nous-mêmes. La simplicité, l’humilité et la conscience claire de la faiblesse humaine sont sans doute ce qui caractérise le mieux le style et l’esprit de Henri Roorda. Comme il le dit lui-même : « J’ai d’excellentes raisons pour ne pas enseigner la morale à mes contemporains. Je suis tout au plus tenté de leur dire : Ayez pitié des hommes, car ils errent sur une planète où la vie est difficile. Ayez autant d’indulgence pour leurs faiblesses que pour les vôtres. Et, surtout, n’imitez pas ces Purs qui sont contents d’eux-mêmes parce que, du matin au soir, ils marinent dans la vertu et qui, pour cela, sont un peu trop sûrs de leur supériorité sur autrui » (« Réponse à celle qui n’a pas compris », Gazette de Lausanne, février 1924).
D’origine hollandaise, Henri Roorda est né à Bruxelles en novembre 1870. Son père, fonctionnaire hollandais, est révoqué pour ses positions anticolonialistes, et en 1872 la famille Roorda s’installe en Suisse où elle fréquente des socialistes et des libertaires (Élisée Reclus, Pierre Kropotkine, ou encore le Hollandais Ferdinand Domela Nieuwenhuis).
Ses études achevées, Henri Roorda devient professeur de mathématiques et porte une attention particulière à la pédagogie. Mais il ne se contente d’appliquer ses préceptes pédagogiques : en 1898, il publie dans L’Humanité nouvelle un texte intitulé : « L’École et l’apprentissage de la docilité ». L’enseignement tel qu’il le conçoit ne doit pas imposer un savoir et une culture aux enfants, mais leur offrir les moyens de développer leur propre personnalité. Henri Roorda publiera ainsi plusieurs textes et articles au cours de sa vie concernant la pédagogie (Le Pédagogue n’aime pas les enfants, Le Débourrage des crânes est-il possible ?, Avant la grande réforme de l’an 2000, etc.), et s’impliquera dans l’École Ferrer de Lausanne.
Parallèlement, il publie des essais (Mon internationalisme sentimental, texte pacifique publié pendant la Première Guerre mondiale, Le Rire et les rieurs) et, sous le pseudonyme de Balthasar, de nombreuses chroniques humoristiques parues dans la presse (L’Arbalète, La Crécelle, La Tribune de Lausanne, La Gazette de Lausanne, La Tribune de Genève, etc.). Certaines seront reprises dans deux recueils : À prendre ou à laisser et Le Roseau pensotant. Il réalise aussi quatre almanachs, les Almanachs Balthasar, qui paraîtront chaque année entre 1923 et 1926.
C’est à cette époque que, par hasard, au gré des amitiés, Henri Roorda écrit ses quatre courtes pièces de théâtre. Le Silence de la bonne est publié en janvier 1924 dans La Gazette de Lausanne, Un amoureux dans l’Almanach Balthasar de 1925, Un beau divorce dans celui de 1926, et La Ligue contre la Bêtise dans La Gazette de Lausanne en février et mars 1926. Ces pièces seront toutes jouées sur scène, à l’exception de Un amoureux.
En novembre 1925, toujours amoureux de la vie mais endetté, Henri Roorda préfère s’en aller plutôt que d’avoir à vivre une existence qui ne le satisfera pas. Il se suicide alors d’une balle dans le cœur, laissant à ses amis le soins d’éditer Mon suicide, son dernier essai dans lequel il explique les raisons de son choix.